La grande dépendance chez les personnes âgées

Nadine Martin est directrice adjointe de la Maison de Repos et de Soins Paul Delvaux, à Watermael-Boitsfort. Infirmière de formation, elle a répondu à nos questions sur la grande dépendance et sur l'autonomie des personnes âgées. 

Au fil de l'article, découvrez ses réponses en capsules sonores.

La grande dépendance, qu'est-ce que c'est ?

"La dépendance est un manque d'autonomie. La dépendance, c'est avoir besoin de quelqu'un ou de quelque chose à tout moment. C'est de dépendre de quelqu'un ou quelque chose pour pouvoir (sur)vivre. "

La dépendance se présente de bien des manières et ne concerne pas uniquement les personnes âgées. Dans notre coeur de métier, la grande dépendance peut être divisée en trois sujets : 

  1. La grande dépendance physique
  2. La grande dépendance mentale, psychique
  3. La grande dépendance psychologique

Comment déterminer le degré de dépendance d'une personne âgée ?

"Pour déterminer la dépendance, on a les échelles de Katz. C'est une échelle qui reprend des paramètres tels que "cette personne sait-elle se laver ? Se laver toute seule ? A-t-elle besoin d'aide ou d'une supervision ?" 

L'échelle de Katz est une échelle reprenant 6 critères "physiques" : 

  1. Se laver
  2. S'habiller
  3. Transfert et déplacements
  4. Aller à la toilette
  5. Continence 
  6. Manger 

Et deux critères psychiques, d'orientation : 

  1. Dans le temps 
  2. Dans l'espace

"L'échelle de Katz va de 0 à 4, sachant que 0 veut dire totalement autonome. Il faut noter le degré d'autonomie. Par exemple, le résident a besoin d'une aide complète pour s'habiller, pour se laver ... On peut aussi déterminer une aide partielle, si la personne peut se laver entièrement mais à besoin d'aide pour le dos."

La grande dépendance, synonyme d'entrée en maison de repos ?

"Le maintien à domicile est plus facile qu'auparavant. Mais ça représente un coût et une gestion, et aussi un épuisement des aidants. Avec des pathologies comme Alzheimer, quand les personnes commencent à fuguer ou à ouvrir les portes, c'est très insécurisant pour l'aidant. C'est ça qui fait que la personne entre en maison de repos."


C'est une tendance que nous observons dans toutes nos résidences : les personnes entrent en maison de repos le plus tard possible. L'espérance de vie ne fait qu'augmenter : en 20 ans, l'espérance de vie en Belgique est passée de 77 ans à 81 ans. 

Mais qui dit "le plus tard possible" dit aussi "de plus en plus dépendant". Lorsque les familles ou les aidants sont dépassés, elles préfèrent faire appel à une maison de repos, pour que les soins et la vie de leur proche soient cadrés.

Quid des courts séjours ?

"On peut accueillir des grands dépendants en courts séjours pour laisser souffler les aidants proches."

L'entrée en maison de repos peut ne pas être définitive. La maison de repos et de soin représente un lieu calme et serein pour une personne désorientée ou grande dépendante. Les courts séjours sont fréquents pour enlever, quelques jours, la charge aux aidants. 

Les courts séjours peuvent aussi s'appliquer aux personnes qui sont physiquement dépendantes, après une chute ou une opération. Ce court séjour aide à la revalidation et à la convalescence et permet, au travers de soins et d'ateliers, de regagner en autonomie et de rentrer sereinement chez soi.

Des unités protégées et des soins adaptés

Les personnes qui présentent une grande dépendance peuvent être incluses dans des unités protégées:

"Une unité protégée est indispensable. Il y a certains critères d'inclusion dans ces UPAD - Unité Protégée pour personnes Atteintes de Démence - : un risque de fugue majeur et une mise en danger, par leur comportement, pour eux-mêmes et pour autrui."


Les soins sont adaptés et tous les comportements étudiés, surtout lors des interactions du personnel avec les résidents. C'est pour ça aussi que les résidences avec UPAD ont un ou une référent.e "démence", qui pourra former ses collègues sur les bons gestes et attitudes à adopter. 

"Il faut toujours être contenu, calme dans son action. Il ne faut jamais être brutaux ou s'opposer à eux. Ce sont des gens qui, sans qu'on ne dise quoi que ce soit, vont ressentir nos émotions. Ils ont une sensibilité extra-sensorielle très développée".


Conserver l'autonomie pour plus de dignité

Pour les résidents, il est très difficile d'admettre qu'ils ne sont plus maîtres de leur temps. 

"Les familles ont l'impression qu'on ne s'occupe pas d'eux. C'est faux. On ne va pas essayer de faire leur toilette à leur place : on va conserver un maximum de leur capital. C'est très important pour leur dignité. Être réduit à être lavé, comme le disent certains résidents, pour eux, c'est très dur."

Dans cet objectif, il est aussi important d'apporter des soins personnalisés et étudiés. Si on ne déroge jamais à un traitement médical, le bien-être et la culture de l'autonomie peuvent être apportés par des thérapies non-médicamenteuses. On peut citer le snoezelen, l'aromathérapie, le yoga, la musicothérapie ...

"On essaie de gagner du temps sur le temps. On essaie de pouvoir utiliser ces parcelles d'indépendance qu'ils pourraient avoir pour leur donner plus de confiance en eux, pour qu'ils aient une meilleure image d'eux-mêmes."


Une grande dépendance psychologique

La dépendance psychologique est quelque chose qui n'est pas signifié sur l'échelle de Katz. Mais c'est un des aspects quotidiens les plus importants d'une maison de repos.

"Nous avons des gens psychologiquement très dépendants. Nous avons un monsieur qui, physiquement, donne bien le change. Mais si vous ne l'amenez pas à table, il ne va pas manger. C'est pour ça que nous avons toujours 2 personnes au restaurant, sinon, faute d'accompagnement, ils ne mangeront pas."


Les résidents ont besoin de temps et d'attention. Prendre le temps de parler, juste cinq minutes, permet aux résidents de se sentir mieux. L'attention et la parole, pour contrer la dépendance psychologique, permet aussi d'éviter les crises de larme ou les coups de mou. 

Un suivi psychologique peut être une richesse dans une maison de repos. Et pas uniquement pour les résidents, mais également pour le personnel et pour la famille. 

Pour en savoir plus, n'hésitez pas à visiter notre section "Atouts" et à lire comment emeis est experte en accompagnement de la démence.